septembre 2019 - Geo-Psy

3 questions à mon psy : stress au travail…avez-vous votre liste «ways of coping» sous la main ?

L’équipe Geo-Psy a demandé à Sophie Jabot, psychologue du réseau, de répondre à nos questions sur la gestion du stress au travail :

 

  1. Sophie, comment se manifeste généralement le stress vécu au travail chez les individus ? Y’a-t-il un bon et un mauvais stress dans le cadre du boulot ?

Naturellement, le stress n’est ni bon ni mauvais. C’est juste un élément qui se manifeste et qui va être ressenti par l’individu. En fonction du vécu, du « monde intérieur » de chacun, il va être perçu comme toxique ou motivant. Il n’y a ni bon ni mauvais stress, il y a le facteur stress et chacun a son propre ressenti vis à vis de celui-ci. Pour certains, une remarque de son N+1 sera de l’ordre du challenge, pour d’autres ce sera une phrase frustrante et provoquant de l’inhibition et pour une troisième catégorie, elle n’aura même pas été entendue.

Les réponses classiques sont de trois ordres : la fuite, l’attaque, se figer.

Le stress, qu’il soit au travail ou dans d’autres configurations se manifestent de différentes manières. Dans tous les cas les alertes physiques et physiologiques sont précurseurs. Lorsqu’il devient pesant (stress aigu ou chronique), de multiples symptômes apparaissent : Fatigue, sommeil perturbé, blocages du dos ou douleurs à l’estomac, troubles musculo-squelettiques, maux de têtes, manifestations dermatologiques, maladies à répétitions (le stress fait baisser les défenses immunitaires), douleurs abdo, toutes les parties du corps peuvent être atteintes…

Si les stresseurs perdurent, s’ajoutent les manifestations psychologiques : ruminations, troubles de l’humeur, émotions exacerbées, crises d’angoisses, anxiété, peurs, phobies, mal-être, reviviscence de scènes traumatiques, pathologies psychiques, idées noires….

En découlent des difficultés de concentration, des erreurs dans le travail, un ralentissement ou une agitation dans l’exercice de ses activités, un repli sur soi-même, une dévalorisation de ses compétences, un travail qualitatif de moins bonne qualité alors que le temps passé au travail pourra être supérieur.

 

  1. Face à ces situations, sommes-nous égaux ? Pouvons-nos mettre en place des actions ou des stratégies pour nous protéger des effets néfastes du stress au travail ?

Tout comme la santé ou nos seuils de limites à supporter la douleur physique, nous ne sommes pas égaux face au stress. Notre capacité à y répondre dépend de multiples facteurs personnels et environnementaux. Tout dépend de notre stock de ressources et de la quantité, intensité de stress qui contrebalance. Cependant, nous avons tous la possibilité de mettre en place des stratégies pour contrecarrer les effets que nous considérons toxiques face au stress au travail. Ainsi, connaître nos ressources personnelles et notre stock de bonus environnementaux (famille,amis, collègues, supérieurs) permet de faire un état des lieux (check list) de nos possibilités.

Nous avons tous des routines de vie et des stratégies d’adaptations privilégiées.Il s’avère que l’humain aime bien s’économiser et pour des raisons pratiques et de simplicité, nous allons reproduire voire dupliquer une solution et ce, quelle que soit la situation rencontrée (même si avec un peu de réflexion, cette solution n’est pas optimale, elle reste à nos yeux économique car bien rodée dans nos habitudes). Nous pouvons donc, bien entendu mettre des stratégies de lutte contre le stress, à condition que ces dernières soient efficaces et que le remède ne soit pas pire que le mal. Les individus déploient parfois beaucoup d’énergie à s’en sortir mais faute de stratégies adaptées, ils continuent de s’épuiser, d’où l’intérêt d’identifier comment on fonctionne.

 

  1. Dans le cas du stress au travail : devrions-nous concentrer nos énergies sur les  »ways of coping » centrées sur le problème, ou sur les émotions ?

Empiriquement, les deux voies royales de « ways of coping » sont la stratégie centrée sur le problème (une situation-problème apparaît et je traite le factuel pour aller à la solution) et la stratégie centrée sur les émotions (une situation-problème apparaît et je régule d’abord les émotions qui y sont associées).

Premièrement, cela induit qu’on ait identifié comment on fonctionne… Des tests existent dont la WCC de Lazarus et Folkman permettent d’identifier notre stratégie privilégiée. Mais, il est possible que nous soyons suffisamment souples pour alterner les stratégies et n’oublions pas l’importance (voir l’influence) de l’environnement et du soutien social. Secundo, ces outils sont des supports intéressant à travailler afin d’approfondir notre connaissance sur nous-même et en situation de travail et il est important de les connaître et de les utiliser.

Si ces tests donnent un aperçu, il faut bien comprendre qu’ils ne sont valables qu’à l’instant t et dans le cadre de passation du test. S’y accrocher pour répondre à toutes problématiques, c’est comme vouloir utiliser une bouée de sauvetage y compris au sommet de l’Himalaya…La meilleure des préventions pour lutter contre le stress au travail est de se positionner le plus en amont possible afin d’anticiper et de circonscrire les principaux stresseurs. Il ne faut plus se lancer dans des batteries de questionnaires, tests ou autres démarches de qualité au travail juste pour le decorum mais faire que le travail lui-même (organisation, répartition des tâches, rémunération, recrutement, RH, ligne managériale,) soit qualitatif, à l’écoute et avec des process régulièrement revus. Revenir aux fondamentaux d’une entreprise (des boss qui dirigent, du sens au travail, de l’équité, une rémunération en cohérence avec son activité, respect, politesse,!), c’est déjà de la qualité de vie au travail et donc une limitation des stresseurs qui viennent polluer les compétences de tous les humains constituant une entreprise.

 

*Merci à Sophie Jabot, psychologue !

 

3 questions à mon psy : le harcèlement scolaire

Le harcèlement scolaire peut prendre plusieurs formes : insultes, menaces, manipulations, coups, intimidation… En cette période de rentrée scolaire, il est important de communiquer afin de sensibiliser. Geo-Psy a interviewé Cédric Forino, psychologue clinicien, à ce sujet :

 

 1. Existe-t-il un « profil type » d’harceleur ? Une période du cursus scolaire lors de laquelle il y a davantage d’harcèlement scolaire ?

Le harcèlement scolaire est un sujet sérieux qu’il faut penser tant il peut être complexe, comme pour tout sujet impliquant des relations intersubjectives. Il n’existe pas de profil type de « harceleur » ou de « victime ». Le risque d’être harcelé est encouru à tous les âges : enfance, adolescence et à l’âge adulte. Les seuls éléments à prendre en compte sont les situations au cas par cas. Cependant j’observe dans ma pratique une tendance à la hausse au cyber harcèlement chez les élèves en fin de primaire qui sont de plus en plus équipés de smartphones avec accès à internet ! Parents, veillez à équiper vos enfants, si tel est votre souhait, de forfaits adaptés (voir d’un contrôle parental qui filtrera des mots clés), mais aussi d’évoquer le thème du respect de soi et de l’autre.

 

2. Comment savoir si nous nous trouvons face à un élève harcelé ? Quels comportements ou symptômes peut-on observer chez les victimes de harcèlement scolaire ?

Il existe ce que l’on appel des signaux faibles que les enseignants ou l’entourage de l’élève peuvent observer :

  • Élève isolé.
  • Moqué ou agressé physiquement.
  • Demandeur de la présence d’adultes lors des temps de pause (parfois).
  • Affaires scolaires « oubliés », « perdues » de manière répétitive.
  • Passages à l’infirmerie, somatisations.
  • Souhaite éviter la récréation pour lire.
  • Repli sur soi, dévalorisation, anxiété ou agressivité.
  • Troubles de l’alimentation.
  • Troubles du sommeil.

 

 3. Quelles réactions avoir face à une victime de harcèlement scolaire ? Face au harceleur ? Existe-t-il des thérapies spécifiques ?

Lorsqu’une situation de harcèlement se produit dans le milieu scolaire, il ne s’agit pas d’appliquer une thérapie à l’élève cible du comportement violent, de même que pour l’élève auteur des faits. Il s’agit en équipe de réagir selon une logique de dialogue, tout en conservant les sanctions, car rappelons que la loi française punit le harcèlement, et considère le cyber harcèlement comme circonstance aggravante. En tant que parents, lorsque nous sommes au courant des faits, il faut contacter l’école afin de rencontrer le personnel éducatif. Pour les enseignants il existe des protocoles établis par l’éducation nationale permettant de débriefer la situation et entendre l’élève cible, les témoins, l’auteur présumé des faits.

Cependant, il ne faut pas oublier qu’une personne de tout âge ayant été harcelé peut avoir gardé des traces de ce traumatisme et peut nécessiter un travail en psychothérapie pendant, ou par la suite. Il n’y a pas de honte à avoir été harcelé. Il faut également considérer que les situations scolaires prennent place dans un groupe. Le désir de conformité d’un groupe peut pousser les élèves à valider (mais aussi à faire cesser) un harcèlement. Nous devons transmettre à nos enfants ce que représente l’empathie, leur apprendre à se mettre à la place de l’autre et expliquer en s’adaptant à leur âge que dénoncer une situation de harcèlement ce n’est pas trahir la personne ou faire « la balance » mais bien lui venir en aide.