Mon ado ne va pas bien, comment l’aider ?


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Aider son adolescent en souffrance
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Quels sont les signes qui montrent que mon adolescent ne va pas bien ?
L’adolescence est une période propice au mal être comme toute période de changement et de transition. Il faut bien différencier le mal être propre à l’adolescence d’un trouble dépressif qui nécessiterait une prise en charge spécialisée.
Le mythe de la crise d’adolescence est potentiellement porteur d’erreurs de diagnostics et de pronostics psychopathologiques (Claes, Weiner, 1995). Il peut nous amener à ne pas déceler des troubles psychiques graves.
Pour distinguer, le normal du pathologique à l’adolescence c’est extrêmement difficile. Il s’agira de prendre en compte plusieurs facteurs à la fois des évènements de vie, la personnalité et le milieu familial.
En réalité, les crises ne sont pas exclusives à l’adolescence mais la première reste la plus déterminante.
Grandir est forcément un acte agressif disait Winnicott. L’adolescent va s’affirmer en montrant sa valeur, en prenant des risques, en testant ses propres limites et en montrant de quoi il est capable. Surmonter une situation dangereuse c’est aussi une façon de prouver sa valeur et d’être reconnu.
Dans ce cas, ni l’agressivité ni l’opposition ne peuvent être retenus comme étant des troubles. Ils font partis du fonctionnement normal à l’adolescence.
Par exemple, il n’existe pas de lien direct entre consommation de cannabis et apparition de troubles psychotiques. En fait, la consommation va être un effet précipitant s’il existe un état de vulnérabilité psychologique déjà-là (Large et al, 2011).
Pour parler d’addiction, il faut aussi regrouper un ensemble de signes. Il faut alors faire attention à ne pas qualifier « d’addictif » tous les comportements répétitifs, excessifs, importants ou délétères chez l’ado.
En général, les signes sont visibles au niveau du corps, au niveau cognitif (c’est-à-dire dans la manière de penser, de raisonner, d’observer), au niveau émotionnel et comportemental. Cela dit, chaque signe sera interprété de manière différente en fonction du contexte.
Les troubles du sommeil
Par exemple, dans le cas de troubles du sommeil, là aussi il faut faire attention à l’interprétation.
Une adolescente dont la mère est décédée depuis deux ans avant la consultation dort deux heures par nuit malgré beaucoup d’activités en journée. Elle va dans la chambre de son père en lui disant « Je n’arrive pas à dormir ». Ce qui l’empêche de dormir, c’est qu’il faut qu’elle surveille ce que fait son père la nuit, qu’il est absolument hors de question pour elle que son père ait une liaison quelconque avec une autre femme que sa mère décédée. Lui permettre d’en prendre conscience lui a permis de se rendormir parfaitement normalement.
C’est donc un signe, qui pris dans son contexte, est moins alarmant que dans une autre situation. Si l’ado n’arrive pas à dormir parce qu’il a des angoisses terrifiantes et des terreurs nocturnes, ce n’est quand même pas la même chose…
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Comment comprendre les prises de risques à l’adolescence ?
La prise de risque est plus présente à l’adolescence que durant les autres périodes de développement mais elle est inhérente à cette période.
Selon Steinberg (2008), il existe différentes régions du cerveau qui ne se développent pas à la même vitesse. Le développement du contrôle cognitif permet de s’orienter, de se projeter dans le futur, de résister à la pression du groupe et de contrôler ses impulsions. Il se développe plus lentement, plus graduellement que le système dit « socio émotionnel » responsable de l’addiction et des prises de risques.
Par conséquent, parler de perte de contrôle à l’adolescence si l’ado lui-même n’a pas encore développé la capacité neurobiologique pour réaliser, seul, ce contrôle devient un contresens.
Nous pouvons aussi comprendre que la seule présence des « copains », va activer le système de récompense « socio-émotionnel » responsable des comportements impulsifs. C’est moins le contrôle cognitif qui est à l’œuvre dans nos prises de décision que le système « socio-émotionnel ».
C’est pourquoi la prise de risque est particulièrement plaisante.
L’importance du milieu de vie
L’augmentation de la prise de risque à l’adolescence dépend plus du milieu de vie que de la personnalité. Si l’ado baigne dans un milieu où il existe de nombreuses occasions d’excitation émotionnelle, dans un milieu en présence de « potes » et des occasions de prise de risque dans l’environnement, son système socio-émotionnel sera d’autant plus activé. Sa difficulté à réguler les choses par lui-même (car son contrôle cognitif, ne l’oublions pas, est encore immature), sera encore plus importante.
Un des meilleurs facteurs protecteurs pour les conduites à risques c’est la qualité de relation avec les parents et être cohérent et constant dans son approche éducative.
Avec la perte de repères très forte aujourd’hui, les adolescents sont en recherche de cadre et peuvent d’ailleurs rencontrer d’autres cadres intentionnellement ou non. Par exemple sur internet ou travers des rencontres diverses même si ces derniers sont insatisfaisants sur certains plans (moral, éthique, politique etc.). Nous pensons évidement à l’engagement des jeunes dans des actes violents idéologiques comme le proposent les groupes terroristes.
Si l’adolescent a des difficultés pour se penser en termes de sujet unique, avec tout ce que cela comporte comme angoisse, il va donc avoir tendance à se conformer à un groupe auquel il va s’identifier. Souvent, si la qualité de relation est altérée, l’ado peut d’autant plus aller chercher une figure d’identification qui sera en opposition avec les valeurs propres à son contexte familial.
Aujourd’hui, nous sommes moins concernés par les carences affectives ou en termes de soins que par les carences symboliques ou la perte de sens. L’ado qui ne va pas bien ce n’est pas toujours celui qui est privé d’affection, d’attention ou de soins. C’est aussi celui qui n’a pas la possibilité de donner du sens à ce qui lui arrive. Pour cela, il a besoin d’un adulte suffisamment disponible et prêt à l’aider dans sa recherche de sens, sans pour autant lui donner une vérité à « plaquer » sur son propre vécu.
Par exemple, il s’agit d’éviter de dire « tu sais moi de mon temps… » ou encore « ça te passera tu verras ! ».
Il s’agit plutôt d’aller à la rencontre de son vécu et de ses propres questionnements.
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Comment agir pour l’aider à aller mieux ?
Les périodes de changements sont propices à la vulnérabilité. A l’adolescence, la première vulnérabilité est émotionnelle. Aider l’ado à comprendre ses émotions est une étape éducative trop négligée dans notre société qui se réfère d’abord aux performances scolaires, aux relations sociales, à l’autonomie etc.
L’aider à exprimer ses émotions
Aider son ado à identifier, exprimer, comprendre et réguler ses émotions, semble important.
En effet, les émotions permettent de faire un lien entre dimension psychique et corporelle. La question à se poser est la suivante : Est-ce que mon ado a besoin d’aide pour faire le lien entre son ressenti émotionnel et son ressenti corporel ?
C’est crucial pour éviter d’être uniquement dans l’agir ! Ce qui permet de prendre une décision, ce sont plus nos émotions que notre réflexion, notre raison rationnelle. C’est pourquoi les adolescents ont besoin d’aide pour donner du sens à leurs émotions. En effet, les compétences émotionnelles vont permettre ensuite à l’adolescent de développer plus facilement ses compétences cognitives (Damasio, 1994). Les émotions peuvent être confondues. Les adolescents ne verbalisent pas beaucoup leurs émotions. Il est important qu’il puisse les verbaliser pour les reconnaitre en soi et ensuite chez les autres.
Est-ce qu’il s’agit de moi, de l’autre ? Est-ce que je crois que ça m’arrive à moi ? En distinguant les émotions, en les utilisant, en les différenciant de celles que l’autre éprouve, l’adolescent va pouvoir se socialiser d’autant plus facilement.
Il est certain que le parent, l’adulte de référence, joue un rôle déterminant dans ce contexte.
En effet, comment l’adolescent peut-il exprimer et comprendre ses émotions si l’adulte en face, lui, se cache derrière les siennes ? C’est ici que l’authenticité est primordiale. Les adultes aussi peuvent exprimer leurs émotions !
La difficulté c’est que l’adolescent a tendance à rejeter les demandes qui pourraient dévoiler sa vulnérabilité. D’autant plus si l’adulte ne montre jamais lui aussi sa propre vulnérabilité.
A ce niveau, c’est l’art d’être parent qui entre en jeu.
Les mots à éviter
Premièrement, éviter d’interpréter : mais non tu n’es pas triste ! ça va aller…
Ensuite, éviter de conseiller : moi à ton âge…
Eviter également de juger : Tu n’es pas beau/belle quand tu es triste…
Et éviter de questionner systématiquement : pourquoi tu pleures ?
Attention aux reproches et aux critiques qui sont souvent le résultat de la peur des parents.
- Adopter une attitude d’écoute : signifier que vous êtes disponible (vous asseoir par exemple) et peut être que l’ado va parler par lui-même sans même que vous n’ayez prononcer un mot.
- La présence silencieuse est aussi une posture qui remplace judicieusement les discours parfois trop « maladroits ». Vous pouvez jouer, regarder un film, observer un paysage, bref, partager un moment ensemble.
L’aider à penser par lui-même sans jugement
La pensée est aussi particulièrement en développement à l’adolescence, l’aider à donner du sens à ce qu’il lui arrive sans l’enfermer dans une vérité « dogmatique ». C’est-à-dire l’encourager à développer sa pensée critique et subjective. Son avis à de l’importance et lui permet de développer ses capacités de raisonnement. Même si les questions sont farfelues, aider-le, sans jugement, à aller jusqu’au bout de son raisonnement sans induire son discours. Le parent en adoptant volontairement une attitude naïve, permet à l’ado de prendre conscience des problématiques par lui-même.
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A qui m’adresser si je n’y arrive pas seul ?
Faire appel à une tierce personne peut réactiver le conflit de l’ado qui oscille entre besoin d’autonomie et de dépendance. Si vous dites à l’adolescent que c’est lui le problème, il risque de se sentir dévalorisé et incompris. Le conseil que je peux donner, c’est de privilégier l’idée que le parent peut lui aussi montrer qu’il est vulnérable et qu’il a aussi besoin d’être soutenu.
Accepter d’accompagner l’adolescent chez un psychologue par exemple permet ainsi de montrer que ce n’est pas lui le problème mais que la situation mérite d’être éclairée par quelqu’un de neutre.
Si l’ado a besoin d’être accompagné séparément, vous pouvez consulter vous aussi un psychologue (un autre que celui de l’adolescent). Cela permet ainsi montrer que c’est une préconisation bénéfique et non pas stigmatisante.
Dans le cas d’addiction, un travail individuel (rdv individuel pour l’ado et pour le.s parent.s) et familial sera recommandé avec le même psychothérapeute.
La cohérence et la continuité des pratiques éducatives sont des éléments déterminants dans la manière d’aider l’adolescent à aller mieux.
Article rédigé par Jean-Marc MANZI, Psychologue.
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