Un proche a des idées suicidaires, comment lui venir en aide ? Geo-Psy
mon proche a des idées suicidaires
aider un proche qui souffre d'idées suicidaires

Idées suicidaires : comment agir ?

Lorsqu’un de nos proches exprime des idées suicidaires, nous pouvons être sidéré, et rester sans réponse. « J’ai envie de me foutre en l’air » : face à cette parole, il peut être difficile de savoir comment tendre la main sans faire de faux pas.

Face à une situation si délicate, émotionnellement chargée, il est souvent difficile d’écouter son proche en proie à des idées suicidaires. En tant qu’aidant, il est nécessaire de ne pas être seul, de faire appel à un réseau de professionnels pour trouver l’attitude et les comportements adaptés. Les services d’appels téléphoniques vers des psychologues tels que Pros Consulte, votre médecin traitant, les associations de prévention du suicide répertoriées par l’Agence Régionale de Santé, vous donneront de précieux conseils et faciliteront la prise en charge de votre proche.

Déjouer le mécanisme suicidaire

Avec 9000 morts par suicide en 2019 en France, la prévention du suicide tend à devenir un enjeu majeur de santé publique, avec des organisations telles que Santé Publique France et l’Union Nationale de la Prévention du Suicide. Ces organisations proposent des dispositifs et des outils pour que nous puissions nous sentir capables d’intervenir.

Malgré notre sentiment d’impuissance face à un proche qui a des idées suicidaires, il est possible de faire un geste. Parfois de petites choses peuvent être effectuées et nous pouvons déjouer ainsi le mécanisme suicidaire, en lui montrant qu’il est important à nos yeux et que l’on a besoin de lui. Plus que mourir, la personne en crise suicidaire souhaite surtout arrêter de souffrir et la traversée de sa crise est chargée d’ambivalence et parsemée d’appels à l’aide.

Boris Cyrulnik, célèbre neuro-psychiatre connu pour avoir vulgarisé le concept de « résilience », rappelle dans une de ses conférences sur le suicide1 qu’une de ses patientes, à deux doigts de passer à l’acte, alors qu’elle s’apprêtait à enjamber la rambarde, avait renoncé à sauter du pont car une voiture s’était arrêtée à sa hauteur pour lui demander le chemin. Il a juste suffit de ce petit geste, qui lui a rappelé qu’elle avait sa place parmi les humains et que l’on pouvait avoir besoin d’elle.

Apprendre à détecter les signes

Plusieurs obstacles sont à surmonter lorsque nous écoutons un proche qui veut mettre fin à ses jours. Si nous sommes la conjointe ou le conjoint d’une personne en crise suicidaire, dans une relation intime avec toute sa complexité, nous pouvons entendre les paroles suicidaires comme une menace, un chantage affectif. Nous pouvons nous dire « il ou elle ne veut pas le faire, de toute façon c’est celles ou ceux qui en parlent qui ne le font pas ».

Détrompez-vous, la grande majorité des personnes qui se sont suicidées ont laissé des indices de leurs intentions. Les messages directs ou indirects que les personnes que nous côtoyons doivent être prises au sérieux.

Nous pouvons aussi penser que les personnes qui se suicident sont vraiment décidées à mourir et que nous ne pouvons rien faire. Cela est faux également, comme nous le disions plus haut, la personne veut cesser de souffrir et le suicide est perçu comme la seule solution pour cesser de souffrir. Nous pouvons donc reconnaître auprès de la personne son intention positive d’arrêter de souffrir et de rechercher avec elle d’autres solutions.

Nous pourrions être tenté de dire : « ne fais pas ça, ce serait trop lâche ! ». Le suicide ne peut être qualifié d’acte lâche ou courageux. Il s’agit plutôt d’un aboutissement d’un processus dans lequel la personne ne voit plus d’autres issues pour mettre un terme à sa souffrance devenue insupportable. Il s’agit donc de ne pas juger la personne, ce serait l’enfoncer davantage dans sa hantise de ne pas s’en sortir. Il s’agit de l’écouter dans sa décision de mourir, afin de l’aider à remettre sa décision en cause.

Il arrive également qu’un proche en crise suicidaire ne parle pas directement de son intention de mourir. Il s’agit donc de détecter tous les signaux indirects et les facteurs de risques dans lesquels la personne se trouve, afin de savoir si notre inquiétude est fondée ou non. Concernant les signaux indirects, il peut y avoir des messages verbaux de ce genre :

– « Dans quelques temps, vous n’entendrez plus parler de moi, ni de mes problèmes »
– « Bientôt, je vais avoir la paix »
– « Je vais faire un long voyage »
– « Ne vous en faîtes pas : bientôt, je ne vous dérangerai plus »

Il s’agit également de détecter des signes comportementaux qui peuvent traduire une idée suicidaire :

– Dons d’objets significatifs
– Changements radicaux dans les comportements
– Retrait, isolement
– Acquisition d’une arme, d’une corde ou achat de médicament
– Consommation abusive et inhabituelle d’alcool et de médicaments
– Changement dans la tenue vestimentaire et dans les habitudes d’hygiène
– Diminution de la performance au travail
– Changements dans les habitudes alimentaires et dans le sommeil
– Préoccupations morbides (sujets ésotériques, vie après la mort, réincarnation, etc)

Idées suicidaires : quels sont les facteurs de risques ?

Enfin, concernant les facteurs de risques, les études montrent que les personnes les plus à risques d’un passage à l’acte sont celles qui souffrent de dépression ou de troubles de la personnalité, qui consomment abusivement ou dépendent de substances telles que l’alcool ou autres drogues. Les situations de vie qui changent brutalement peuvent être des facteurs précipitants, tels que la perte d’emploi, la séparation amoureuse, la rupture familiale, l’isolement social…

Ainsi, lorsque nous nous inquiétons à juste titre pour un de nos proches à partir de ces indices, après l’avoir écouté et accueilli dans sa souffrance, il est nécessaire de lui poser ce type de question : « tu me dis beaucoup souffrir depuis que tu as vécu ces situations difficiles, je voulais te demander s’il t’arrive d’avoir envie de mettre fin à tes jours ? ». Il ne faut pas hésiter à demander directement à une personne si elle pense au suicide. Cela ne va pas lui donner l’idée de passer à l’acte, au contraire, cela peut l’aider à exprimer sa souffrance, son mal de vivre, briser son isolement et lui permettre d’amorcer un processus de résolution de problème par rapport aux difficultés qu’elle vit.

Il est important de se rendre compte de la gravité de cette pensée suicidaire, il se peut qu’elle n’ait aucun scénario ou échéance. Dans ce cas, cela ne représente pas de gravité majeure, et nous pouvons voir avec elle comment elle pourrait prendre soin d’elle, en allant voir son médecin traitant. En revanche, si nous percevons qu’elle a un scénario précis de passage à l’acte, qu’elle dispose des moyens pour le faire, arme ou médicament, il s’agit de mettre en place un filet de sécurité pour qu’elle soit prise en charge aux urgences.

Une fois cette souffrance écoutée, il est nécessaire de l’écouter, de reformuler les émotions exprimées, de l’aider à cheminer, sans moraliser, sans aller trop vite, vers des solutions appropriées.

Il existe des formations en prévention du suicide qui nous permettent de savoir quelle attitude d’observation et d’écoute adopter. J’encourage tout un chacun à se former comme lorsque l’on se forme aux premiers secours. Il est possible d’obtenir des renseignements sur la formation à la prévention du suicide en se rapprochant de son Agence Régionale de Santé.

Comme vous le voyez, la crise suicidaire n’est pas un obstacle incontournable et il reste beaucoup de choses à faire pour la prévention du suicide, en termes de sensibilisation et de formation des publics.
Nous pouvons tous faire quelque chose.

 

1 Boris Cyrulnik, « Neuro-sociologie du suicide », conférence pour COPES, 2017.

Article rédigé par Thomas Choisnard, psychologue du réseau Pros-Consulte